Variables micrométéorologiques et modélisation de la dispersion atmospherique dans deux regions climatiques au Québec
– By Richard Leduc, Ph.D., AirMet Science Inc., and Jean-François Brière, Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
Le modèle de dispersion AERMOD de l’US-EPA (2019a) est largement utilisé pour évaluer la concentration des contaminants dans l’air ambiant suite aux émissions d’une source. À cette fin, le modèle AERMOD requiert des variables micrométéorologiques caractérisant la turbulence (u*, w*, L, zic, zim); elles sont calculées par le module AERMET et obtenues à l’aide de données locales de surface (vent, température et opacité de la couverture nuageuse) et en altitude;
les détails des calculs sont dans EPA (2019b). Les différences climatiques se répercuteront ainsi sur ces variables lesquelles influenceront la dispersion atmosphérique. Maniwaki et Sept-Îles, stations localisées dans deux régions climatiques différentes du Québec et séparées d’une distance d’environ 800 km (Figure 1), ont été choisies afin de comparer les variables micrométorologiques et les résultats de la modélisation de la dispersion d’une source ponctuelle sur la période 2008-2012. Dans ce qui suit on présente les principaux résultats de cette comparaison; des résultats détaillés sont disponibles en contactant un des auteurs.
Sept-Îles est plus froid que Maniwaki avec une moyenne annuelle de 2.8°C comparativement à 5.5°C. Un ciel complétement dégagé est moins fréquent à Sept-Îles qu’à Maniwaki (17.04% vs 20.15%) et c’est l’inverse pour le ciel couvert (33.53% vs 30.54%). En excluant les vents calmes pour lesquels les calculs ne sont pas faits, la moyenne de la vitesse du vent à Sept-Îles est supérieure à celle de Maniwaki (4.49 m/s vs 2.24 m/s) de même que la vitesse de frottement u* (0.29 m/s vs 0.22 m/s); on peut aussi constater la différence entre les deux stations avec le diagramme quantile-quantile montré à la Figure 2 (percentiles 1ier, 2ième, 5ième, 10aine, 15ième,…, 95ième, 98iènne, 99.5ième et 100iènne). La distribution des percentiles des u* montre des valeurs systématiquement supérieures à Sept-Îles par rapport à celles de Maniwaki
La latitude plus nordique, la plus grande nébulosité et la température plus basse de SeptÎles font en sorte que la moyenne du flux de chaleur sensible y est inférieure (1.11 W/m2 vs 16.47 W/m2); les percentiles (Figure 3) ne diffèrent pas beaucoup pour les basses valeurs avec H<0 W/m2 (correspondant au percentile 60%) mais l’écart s’accentue par la suite. Maniwaki a des flux de chaleurs supérieurs à ceux de Sept-Îles en saison chaude et moins négatifs en saison froide (Figure 4).
La distribution des valeurs de 1/L (Figure 5) montre des valeurs à Sept-Îles qui sont beaucoup moins négatives que celles de Maniwaki jusqu’au percentile 45% puis les valeurs positives de Maniwaki sont supérieures à celles de Sept-Îles jusqu’au percentile 90% et par la suite celle de Sept-Îles redeviennent légèrement supérieures. Afin de distinguer les conditions de stabilité, on a définit une plage de -0.015 m-1 à 0.015 m-1 pour représenter un cas neutre; la fréquence des cas neutres est d’environ 53% à Sept-Îles et 28% à Maniwaki alors que les cas convectifs (<-0.015 m-1) sont davantage fréquents à Maniwaki (25% vs 16%) de même que les cas stables (>0.015 m-1; 46% vs 31%). Ces résultats sont attribuables à une situation plus venteuse et plus nuageuse à Sept-Îles.
À Maniwaki, la moyenne de la vitesse convective (w*) est de 0.9 m/s et est plus élevée que celle de Sept-Îles à 0.71 m/s (Figure 6). La distribution de w* montre des valeurs différentes selon deux saisons (mai à septembre et octobre à avril) et de même en saison chaude selon l’opacité (Figure 7 et Figure 8) l’opacité de la couverture nuageuse; des formes semblables sont aussi obtenues à Sept-Îles.
La moyenne de la hauteur de mélange convective est plus grande à Maniwaki qu’à SeptÎles (647.3 m vs 519.6 m) et c’est l’inverse pour la hauteur de mélange mécanique (273.5 m vs 403.3 m). Les divers percentiles montrent des valeurs de zic toutes plus élevées à Maniwaki qu’à Sept-Îles (Figure 9), et à l’inverse pour zim.
Les variables micrométéorologiques de Maniwaki et Sept-Îles sont utilisées pour modéliser la dispersion atmosphérique (AERMOD) des émissions d’une source ponctuelle (hs=15 m, ds=0.5 m, vs=10 m/s, Ts=50°C, qs=1 g/s) afin d’examiner comment celles-ci influencent les concentrations calculées à 4480 récepteurs sur la même période de 5 ans.
À Maniwaki, la plus haute concentration horaire est de 103.69 µg/m3 comparativement à 90.43 µg/m3 à Sept-Îles (+14.7%). La moyenne des maxima horaires sur l’ensemble des récepteurs est aussi plus élevée à Maniwaki, soit 46.83 µg/m3 comparativement à 41.06 µg/m3 (+14%). Le plus haut percentile 99.5 horaire est de 62.92 µg/m3 à Maniwaki et de 47.86 µg/m3 à Sept-Îles (+31.5%) et les percentiles du maximum horaire montrent des valeurs plus hautes à Maniwaki (Figure 10). En ce qui concerne les maxima quotidiens (Figure 11), Sept-Îles est à 30.73 µg/m3 comparativement à 43.09 µg/m3 à Maniwaki (+40.2%); la moyenne et la médiane sont également rehaussés (+55.7%, +44.5%).
La moyenne maximale de la période est de 3.45 µg/m3 à Sept-Îles et de 4.29 µg/m3 à Maniwaki (+24.3%); sur l’ensemble des récepteurs Maniwaki a une moyenne de 83% plus élevée (0.97 µg/m3 vs 0.53 µg/m3 ) et une médiane de 31.1% plus élevée (0.59 µg/m3 vs 0.45 µg/m3); la distribution des valeurs montre aussi une grande différence entre les deux endroits (Figure 12). Pour l’ensemble des récepteurs, à Sept-Îles la classe neutre est la plus souvent associée au maxima horaire, (environ 41%) alors qu’à Maniwaki c’est la classe stable (environ 47%), ce qui pourrait être à l’origine des concentrations plus élevées qui y sont calculées.
En conclusion, on a quantifié l’impact des différences climatiques entre Maniwaki et SeptÎles sur les variables micrométorologiques qui à leur tour influencent les résultats des calculs de dispersion atmosphériques; les résultats seront aussi différents pour d’autres types de sources comme par exemple des sources surfaciques et d’autres conditions locales telle la topographie.
REMERCIEMENTS
Nous remercions M. Philippe Barnéoud, Environnement et changement climatique Canada, pour ses conseils et commentaires de même que Lakes Environmental pour l’usage de AERMOD-View.
RÉFÉRENCES/REFERENCES
- EPA, 2019 a: AERMOD Model Formulation and Evaluation. EPA-454/R-19-014, August 2019,
177 p. - EPA, 2019 b: User’s Guide for the AERMOD Meteorological Preprocessor (AERMET). EPA454/B-19-028, August 2019, 310 p.
- Panofsky, H.A., J.A. Dutton, 1984: Atmospheric Turbulence. Models and Methods for
Engineering Applications. J. Wiley & Sons, 397 p.
À propos des auteurs
Richard Leduc
Richard Leduc a débuté sa carrière en 1972 à Downsview. En 1979, il a rejoint Environnement-Québec où il a travaillé durant 28 ans en qualité de l’air (modélisation et applications des réseaux de mesures). Il est Professeur-associé (bénévole) à l’Université Laval. Depuis 13 ans, il travaille chez AirMet Science Inc. Il peut être rejoint à rleduc@airmetscience.com.
Jean-Francois Briere
Jean-François Brière détient un baccalauréat et une maîtrise en physique de l’Université Laval. Il est à l’emploi du Ministère de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MELCC) depuis 2009. Il a travaillé pendant 9 ans à titre de spécialiste de la modélisation de la dispersion atmosphérique. Depuis 2017, il est chef de l’équipe responsable de la modélisation de la dispersion atmosphérique et des normes et critères de qualité de l’atmosphère. Il peut être rejoint à Jean-Francois.Briere@environnement.gouv.qc.ca.
Plus comme ceci
Comparaison des prévisions et des observations de vent au lac-St-Charles, Québec. Résultats de 2018
Comparaison des prévisions et des observations de vent au lac-St-Charles, Québec
dispersion d'une source ponctuelle, Jean-François Brière, module AERMET, Richard Leduc, variables micrométéorologiques