Les situations météorologiques à grande échelle associées aux régimes de précipitations extrêmes (RPEs) pendant l’hiver de l’est de l’Amérique du Nord
– Par Yeechian Low –
Introduction et Motivation
Les périodes pluvieuses de longue durée composées d’une série d’événements de précipitations produisent un impact beaucoup plus important qu’un événement de précipitations individuel, étant donné que les précipitations totales sont proportionnelles à la fois à l’intensité et la durée des précipitations (Doswell et al. 1996). Cependant, il y a un manque relatif d’études sur les caractéristiques météorologiques et les mécanismes physiques associés à ces périodes sur une base climatologique, à quelques exceptions près (Moore et al. 2021, Jennrich et al. 2020, Barton et al. 2016). Une meilleure compréhension des mécanismes physiques à grande échelle menant à l’occurrence et à la longévité de ces périodes pourrait aider à améliorer les prévisions de ces périodes sur les échelles de temps de sous-saisonnières à saisonnières (S2S) (Jennrich et al. 2020).
Notre étude vise à analyser les régimes de précipitations extrêmes (RPEs) d’une manière nouvelle et plus complète en élargissant la connaissance des événements de précipitations pour inclure les périodes de précipitations extrêmes, de longue durée, et à grande échelle pendant l’hiver de l’est de l’Amérique du Nord. Plus de détails sur cette étude sont présentés dans Low et al. 2022 and Low et al. 2024 (en cours de révision). Nous définissons les RPEs comme des périodes de précipitations extrêmes dans l’est de l’Amérique du Nord (Figure 1a) pendant l’hiver qui persistent pendant au moins 5 jours, sauf en permettant des pauses d’un jour à condition que des précipitations extrêmes tombent au moins deux tiers des jours. Avec cette méthodologie, nous trouvons 132 RPEs des hivers de 1940-41 à 2021-22. Ces événements produisent souvent des effets importants sur la société dans l’est des États-Units et l’est du Canada. Selon la base de données Canadienne sur les catastrophes, trois catastrophes météorologiques causant plus de 100 millions de dollars de dommages (la tempête de verglas historique dans l’est du Canada du 4 au 9 janvier 1998, avec la carte des précipitations totales dans Figure 1b; la tempête de neige à Toronto du 13 janvier 1999; et la tempête hivernale au Québec du 10 février 2001), ainsi que de nombreuses catastrophes de moindre ampleur sont associées aux RPEs. Bien qu’une série très inhabituelle de 3 RPEs en février 2019, qui a contribué aux quantités records de neige dans certaines régions de l’Ontario du Québec pour l’hiver (Blunden et al. 2020), ne soit pas répertoriée comme une catastrophe, la grande quantité de neige a contribué à d’importantes inondations printanières en avril et mai qui ont été répertoriées comme une catastrophe.
RPE situation météorologique
Les RPEs sont caractérisées par des crêtes anormales en altitude dans l’est de l’Amérique du Nord et le centre du Pacifique Nord et un creux anormal en altitude dans l’ouest de l’Amérique du Nord (illustré dans Figure 2a), et tout se déplace lentement (illustré dans Figure 2b). Une crête (creux) anormale en altitude fait référence à une région de pression anormalement élevée (basse) et d’air chaud (froid) en altitude respectivement. Le flux d’air de grande profondeur provenant du sud et l’ascension à grande échelle entre le creux dans l’ouest de l’Amérique du Nord et la crête dans l’est de l’Amérique du Nord sont favorables aux intrusions d’air tropical et humide à l’intérieur de l’est de l’Amérique du Nord et aux cyclones anormalement fréquents du centre des É.U. vers le nord-est jusqu’au Canada atlantique (Figure 3b) qui dépotent l’humidité sous forme de fortes précipitations, conformément aux conclusions de Mercer and Richman (2007) and Bentley et al. (2019). La condensation de l’humidité lors de son ascension dans les cyclones entraîne un réchauffement de la moyenne troposphère qui renforce la crête immédiatement à l’est, créant une boucle de rétroaction positive (e.g. Archambault et al. (2010), Grams et al. (2011), Steinfeld and Pfahl (2019)) qui contribue à l’longévité des RPEs. Il y existe également des cyclones anormalement fréquents à proximité et surtout immédiatement à l’est de la péninsule du Kamchatka (Figure 3a), à l’ouest de la crête au centre du Pacific Nord, et la boucle de rétroaction positive pourrait également jouer un rôle là-bas, mais c’est moins évident en raison d’une plus grande variabilité d’un cas à l’autre.
Contrairement aux cartes de moyenne temporelle dans Figure 2, Figure 4a montre l’évolution de la situation météorologique tout au long du cycle de vie de la RPE. Si nous trouvons une situation météorologique fortement anormale avant la RPE, nous pouvons avoir un avertissement si une RPE est probable à l’avenir en fonction de la situation météorologique actuelle. Cependant, il n’y a que de faibles anomalies jusqu’à quelques jours avant le début de la RPE, ce qui est un peu surprenant et présente un défi de prévisibilité. Quelques jours avant le début de la RPE, une faible crête en altitude apparaît dans le centre du Pacific Nord, ainsi qu’un creux en aval près de la côte ouest de l’Amérique du Nord et une crête immédiatement à l’est des Rocheuses. La situation météorologique se renforce et se déplace vers l’est jusqu’au début de la RPE, où il correspond à la situation météorologique favorable pour les RPEs illustré dans Figure 2a. Ensuite, il ralentit et reste persistant jusqu’à presque la fin de la RPE, probablement au moins en partie en raison de la boucle de rétroaction positive mentionnée précédemment, puis se déplace plus rapidement vers l’est à la fin de la RPE. Conformément à la propagation en aval des situations météorologiques d’ouest en est du Pacifique Nord à l’est de l’Amérique du Nord (Winters et al. 2019), la crête au centre du Pacifique Nord s’affaiblit d’abord avant la fin de la RPE, puis la crête dans l’est de l’Amérique du Nord s’affaiblit.
Une analyse du budget d’humidité (Figure 3c) montre qu’il y a un important afflux net de vapeur d’eau à l’intérieur de l’est de l’Amérique du Nord avant le début des fortes précipitations, ce qui conduit à une humidification nette de l’atmosphère avant et au début de la RPE. Ensuite, les fortes précipitations équilibrent ou dépassent légèrement l’afflux d’humidité jusqu’à la fin de la RPE, lorsqu’un flux net d’humidité vers l’extérieur et des précipitations résiduelles mènent à un assèchement net de l’atmosphère, mettant fin aux précipitations peu de temps après. Cette évolution correspond au déplacement de la situation météorologique vers l’est à une configuration favorable au transport d’humidité et aux précipitations dans l’est de l’Amérique du Nord au début de la RPE, puis se déplace très lentement jusqu’à presque la fin de la RPE, et ensuite, s’éloigne plus rapidement de la configuration favorable.
Longévité des RPEs
Pour déterminer les facteurs contribuant à la longévité des RPEs, nous comparons trois ensembles de cas : les évènements de précipitations d’une durée de 1-2 jours (cas nuls, qui ne satisfont pas au critère de durée pour les RPEs, Figure 5a et 5b), EPRs d’une durée de 5-9 jours (courtes RPEs, Figure 5c et 5d), et RPEs d’une durée de 10+ jours (longues RPEs, Figure 5e et 5f). Dans les cas nuls, les situations météorologiques sont plus faibles que lors les courtes RPEs et ont une longueur d’onde spatiale plus courte (Figure 5a vs 5c), surtout dans l’est de l’Amérique du Nord, ce qui signifie qu’elles se déplaceraient plus rapidement à l’est (Hoskins 1985), ce qui est confirmé dans Figure 5b. En revanche, la situation météorologique du Nord Pacifique, et pas tellement dans l’Amérique du Nord, distingue les courtes RPEs des longues RPEs : les longues RPEs ont une crête plus forte au centre du Pacifique Nord qui s’étende plus au nord jusqu’en Alaska, ainsi qu’un transport d’humidité plus fort dans le Pacifique Nord, par rapport aux courtes RPEs. Les longues RPEs comporte des systèmes météorologiques qui se déplacent beaucoup plus lentement dans le centre et l’est du Pacifique Nord que les courtes RPEs.
Conclusions et recherches pour l’avenir
Pour résumer, les régimes de précipitations extrêmes (RPEs) pendant l’hiver de l’est de l’Amérique du Nord sont associées à une situation météorologique persistant favorisant le transport d’humidité provenant du sud vers l’est de l’Amérique du Nord qui se dépose sous forme de fortes précipitations dans des cyclones fréquents. La situation météorologique en Amérique du Nord et en amont dans le Pacifique Nord tous les deux est important à l’occurrence et la longévité des RPEs. Une boucle de rétroaction positive via réchauffement latent de condensation dans la moyenne troposphère dans et immédiatement à l’est des centres de cyclones et à l’ouest des systèmes de haute pression en altitude aide à ralentir et maintenir la situation météorologique, contribuant à la longévité des RPEs.
À l’avenir, nous visons à réaliser une étude de cas sur une RPE de durée particulièrement longue ou une série des RPEs, ainsi que d’analyser la performance des modèles météorologiques numériques des RPEs. Nous souhaitons comparer les caractéristiques que nous trouvons dans l’étude de cas avec celles de la moyenne et discerner les situations météorologiques et les processus physiques associés qui rendent cette période particulièrement persistant. De telles analyses aideraient des prévisionnistes à être attentifs au potentiel de périodes pluvieuses importantes dans l’est de l’Amérique du Nord s’ils reconnaissent les précurseurs habituellement observés avant les RPEs, ainsi qu’à mieux utiliser les modèles météorologiques numériques pour faire leurs prévisions.
Du 3 au 6 juin 2024, le 58e congrès annuel de la Société canadienne de météorologie et d’océanographie s’est tenu virtuellement avec l’aide du Centre de Winnipeg et du Centre de l’intérieur de la Colombie-Britannique et du Yukon. Le thème du congrès était « Les événements extrêmes dans un climat changeant », et les sujets des sessions couvraient les dernières découvertes scientifiques et les solutions à l’urgence climatique, les phénomènes météorologiques à fort impact et la crise mondiale de l’eau, entre autres. De plus amples informations sur le congrès sont disponibles ici.
Afin de souligner la diversité et l’impact des recherches présentées, nous avons demandé aux présidents des sessions de choisir un exposé ou un poster à partager avec le Bulletin. Cet article fait partie de la série des présentations exceptionnelles du congrès.
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