Mot du président Paul Kushner, avril 2019 : Renforcer la résilience en affrontant les changements climatiques avec aplomb
– Par Paul Kushner, Professeur, Département de physique, Université de Toronto et Président de la SCMO –
Les avertissements ont commencé à la mi-avril 2019 : un couvert de neige profond et fondant rapidement dans le centre et l’est du Canada, ainsi que de nombreux jours de pluies intenses promettaient des inondations sans précédent dans les communautés riveraines de l’Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick. Les niveaux d’eau de la rivière des Outaouais ont fracassé des records établis lors des inondations du printemps 2017. L’effet combiné de la crue des eaux et d’une infrastructure fragilisée a touché des milliers de résidences et de citoyens, et entraîné parfois des évacuations précipitées. Au cours de la deuxième semaine de mai, les eaux de crue baissent, mais le rétablissement à la suite de cet événement néfaste restera un véritable casse-tête à long terme
L’influence des changements climatiques sur les inondations presque consécutives de 2017 et 2019 oblige les citoyens et les planificateurs à réfléchir sérieusement à la façon de percevoir les puissants cours d’eau sur les rives desquels est bâtie une bonne partie de l’infrastructure urbaine du Canada. Une telle réflexion exige la compréhension scientifique d’un ensemble complexe de problèmes à un niveau considérable d’approfondissement. Par exemple, nous avons appris, grâce au travail du groupe de Laxmi Sushama, conférencière itinérante de la SCMO dans l’est du pays en 2019, que les changements climatiques anthropiques ont augmenté la probabilité de l’un des facteurs importants ayant entraîné les inondations qui ont frappé la région du bassin de la rivière des Outaouais en mai 2017. Notamment, les épisodes de pluies abondantes qui se produisent au cours de cette saison sont deux à trois fois plus probables en raison de l’influence humaine. Il semble que les inondations d’avril et mai 2019 présentaient aussi certaines de ces caractéristiques et qu’il pourrait s’agir d’une suite à cette tendance. Mais le domaine de l’hydrologie reste complexe, comme le montrent sans équivoque l’article de la professeure Sushama et le Rapport sur le climat changeant du Canada (voir le chapitre 6 du RCCC). Selon ce rapport, « On s’attend à ce que les augmentations prévues des précipitations extrêmes dans un climat plus chaud augmentent la probabilité d’inondation produite par la pluie dans certaines régions. Les inondations liées à la fonte des neiges devraient se produire plus tôt dans l’année, mais il n’est pas clair de la manière dont [sic] le réchauffement projeté et les réductions de la couverture de neige se combineront pour influer sur leur fréquence et leur ampleur. »
Prévoir le comportement des inondations dans des régions comme l’est du Canada n’est qu’un exemple des grands enjeux scientifiques auxquels les climatologues doivent s’attaquer. Les récents modèles globaux du climat servant à prévoir les changements climatiques s’améliorent dans l’ensemble et montrent que le système climatique pourrait se réchauffer plus que prévu précédemment en raison des gaz à effet de serre. Selon les spécialistes interviewés dans l’article lié (y compris le chercheur canadien John Fyfe), les nouveaux résultats suscitent un large éventail de réactions. Dans l’ensemble, cependant, il me semble que la prochaine série d’évaluations du climat projettera un réchauffement plus important que celui précédemment prévu. Cette situation laisse penser que la pression et l’urgence d’agir face aux changements climatiques s’intensifient.
Tandis que les climatologues raffinent nos connaissances, les citoyens, les politiciens et les autres décideurs doivent se fier à la meilleure information existante fournie. De nombreuses preuves laissent voir qu’une action urgente s’impose, comme l’indique clairement l’énoncé de position de la SCMO sur le réchauffement planétaire de 1,5 °C. La pression s’intensifie en ce qui concerne une action décisive en faveur du climat, qu’il s’agisse de manifestations de jeunes ou de grèves scolaires, aux échelles nationale ou internationale, ou de victoires électorales de candidats écologistes, ici et à l’étranger. J’ai toujours la ferme conviction que la fonction principale de la SCMO reste dans ce contexte de transmettre les meilleures connaissances scientifiques possible aux décideurs, tout en veillant à ce que son propre fonctionnement en tant qu’organisme bénévole repose sur une durabilité accrue.
Par conséquent, il va de soi que, pour le Congrès 2020 de la SCMO à Ottawa, le comité du programme scientifique (avec Gordon McBean et Leonard Barrie à la présidence) propose pour cet important événement le thème « Renforcer la résilience de la société face à l’évolution du temps, du climat et de l’environnement ». Ce thème reflète la façon dont la société canadienne devra se fier au savoir-faire des spécialistes de la SCMO en matière d’analyses et de prévisions météorologiques, climatologiques et environnementales afin de résister à la pression croissante qu’exercent les changements climatiques. Je soutiens ardemment cette proposition et me réjouis d’assister au congrès de mai 2020, espérant que tous les efforts seront déployés pour faire de cette rencontre un événement durable, par exemple en offrant un accès en ligne.
À propos de résilience : pour un excellent exemple d’aplomb sous la pression, jetez un coup d’œil à la vidéo de Mike Steeves (membre de la direction du centre d’Ottawa) intitulée Indoor Fishing Techniques from Fitzroy in the Flood Zone, tournée dans le garage inondé de Mike à Fitzroy Harbour (ON). Nous souhaitons à Mike, à sa famille et à sa communauté un prompt retour à la normale à la suite des dommages qu’ont causés les inondations à Ottawa. Un bon sens de l’humour restera salutaire à mesure que la pression et l’urgence de faire face aux changements climatiques et à leurs répercussions se feront sentir.
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