Écouter le narval

– Par Kristin Westdel –

Mittimatalik (anciennement Pond Inlet) est un petit hameau situé à l’extrémité nord de l’île de Baffin, dans l’Arctique canadien. Entourée de montagnes, de rivières et de glaciers, la communauté se trouve sur les rives du magnifique Eclipse Sound. Ces eaux sont un point chaud biologique, regorgeant de vie marine, y compris la plus grande population de narvals au monde chaque été. Pour protéger cet habitat, le Canada a établi l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga.


Milne Inlet et la mine avec un bateau de chasseurs au premier plan et un navire en arrière-plan – Océans Nord

Parallèlement, une énorme mine de fer située dans cette région suscite des inquiétudes quant aux conséquences de la navigation industrielle sur le narval et d’autres mammifères marins. La mine Mary River de la Baffinland Iron Mines Corporation veut doubler sa production, une proposition qui a suscité l’opposition des communautés inuites locales.

Pour évaluer comment le narval réagit au bruit des navires, Océans Nord a lancé un projet de surveillance acoustique il y a huit ans, en collaboration avec notre partenaire local, Alex Ootoowak. Depuis, nous étudions l’effet de l’augmentation des sons sous-marins provenant du trafic maritime. Chaque année, nous avons déployé deux hydrophones dans la région pour recueillir des données. Lorsque le projet a pris de l’ampleur, nous avons fait équipe avec Josh Jones, de la Scripps Institution of Oceanography, qui mesurait le bruit sous-marin dans le détroit de Barrow, tout proche. Grâce à l’aide de Josh et à de nouveaux instruments pouvant être déployés toute l’année, nous avons pu nous concentrer sur la période critique de migration au printemps et à l’automne.

Un homme debout au bord d'un bateau, dos à la caméra, déploie un instrument scientifique dans l'eau.
Alex Ootoowak déploie un hydrophone – Julie Killiketee

À ce jour, nos recherches montrent que les narvals sont perturbés par la présence de grands navires et le bruit sous-marin qu’ils génèrent. Les chasseurs locaux ont corroboré cette observation. Nous avons constaté que les narvals réagissent au bruit des navires à des portées acoustiques plus faibles que prévu, et que ce bruit peut masquer leur communication sociale et leurs capacités de navigation. Il peut également provoquer des perturbations comportementales qui influent sur leur capacité à remplir leurs fonctions vitales.

Au cours des deux dernières années, les chasseurs ont remarqué une baisse importante du nombre de narvals dans la région, une observation confirmée par les estimations d’abondance des relevés aériens. Les effets du trafic maritime aux volumes actuels ont montré le potentiel de nuire aux narvals individuels ou de changer les modèles d’abondance et de distribution locales, modèles reconnus depuis longtemps par les Inuits qui vivent dans cette région.

Le ventre d'un narval sortant de l'eau avec des montagnes enneigées en arrière-plan.
Narval nageant près du bord de la banquise d’Eclipse Sound. – Kristin Westdal

Océans Nord, grâce à ses partenariats à Mittimatalik, prévoit poursuivre ce travail important qui peut fournir les données nécessaires pour protéger le narval et d’autres formes de vie marine alors que le changement climatique et l’expansion industrielle constituent des risques pour l’Arctique.


Kristin Westdal est directrice scientifique pour l’Arctique à Oceans North, une organisation caritative qui soutient la conservation marine en partenariat avec les communautés indigènes et côtières.

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