Oui, il y a du sélénium dans notre atmosphère : tour d’horizon des découvertes récentes concernant son cycle biogéochimique.

– Par Paul Heine –

Figure 1. Schéma des flux de Se atmosphérique vers les sols.

Le sélénium (Se) est un élément dont les propriétés chimiques s’apparentent à celles d’éléments comme le soufre. Tout comme le soufre, le Se se trouve naturellement dans la roche mère, les sols, l’atmosphère et les systèmes marins, mais aussi dans les plantes. Dans le cadre de leur métabolisme, les plantes absorbent le Se du sol pour l’incorporer dans les acides aminés et créer des protéines. Ces protéines contenant du Se remplissent des fonctions vitales pour les animaux et les humains, ce qui fait du Se un micronutriment essentiel. En revanche, l’exposition à des quantités légèrement supérieures de Se peut avoir des effets néfastes sur la santé, voire entraîner la mort. Il est donc important de veiller à ce que les aliments destinés aux animaux et aux humains contiennent la bonne quantité de Se. Malheureusement, on estime que jusqu’à un milliard de personnes dans le monde n’ont pas une quantité adéquate de Se dans leur alimentation. La cause principale en est la faible teneur en Se des sols, qui limite la capacité des plantes à métaboliser le Se et conduit par conséquent à des niveaux déficients de Se dans les denrées alimentaires. Mais comment le Se est-il transporté dans l’environnement jusqu’aux sols pour finir dans les aliments?

Pour répondre à cette question, Paul Heine, étudiant diplômé dans le groupe de recherche de Nadine Borduas-Dedekind à l’Université de la Colombie-Britannique, mène des expériences en laboratoire (figure 2). Heine et Borduas-Dedekind s’intéressent à la manière dont le Se se modifie chimiquement au cours de son transport atmosphérique dans l’environnement. Les chercheurs utilisent un spectromètre de masse à temps de vol à réaction par transfert de protons Vocus, un instrument analytique de pointe qui détecte les molécules organiques volatiles, qui sont des constituants de l’atmosphère en quantités relativement faibles. Il est intéressant de noter que le phytoplancton des systèmes marins forme ces molécules organiques volatiles contenant du Se, dans le cadre du cycle biogéochimique du Se. En raison de leur grande volatilité, ces molécules s’évaporent ensuite dans l’atmosphère. C’est là que se produisent diverses transformations physiques et chimiques sous l’effet de la lumière, de la température, de l’humidité et des oxydants atmosphériques. En laboratoire, les chercheurs utilisent un sachet coussin, une cuve de réaction pour la chimie atmosphérique, afin d’étudier ces transformations dans un environnement contrôlé. En connectant le Vocus au sachet coussin, les chercheurs peuvent surveiller en temps réel l’oxydation atmosphérique des molécules en phase gazeuse contenant du Se.

Figure 2. Dispositif expérimental utilisé pour étudier l’=‘oxydation atmosphérique des composés organiques volatils. Le spectromètre de masse à temps de vol par réaction de transfert de protons Vocus est visible au centre gauche de cette image.

Une étude récente, publiée par Heine et Borduas-Dedekind, a déterminé les durées de vie dans l’atmosphère et les nouveaux produits des molécules contenant du Se par rapport à leur réaction avec l’ozone, un oxydant atmosphérique omniprésent. De plus, les auteurs ont constaté que les produits de réaction contenant du Se nouvellement identifiés sont moins volatils et se condensent ensuite sur des particules déjà existantes ou forment directement de nouvelles particules. En appliquant ces résultats à l’atmosphère, Heine et Borduas-Dedekind peuvent tirer des conclusions sur le devenir atmosphérique de ces molécules contenant du Se. L’oxydation par l’ozone entraîne les composés organiques volatils contenant du Se vers la phase particulaire, où ils peuvent ensuite être éliminés de l’atmosphère par les précipitations pour se déposer ensuite sur les sols. Les données chimiques sur les temps de réaction et les produits de l’oxydation atmosphérique du Se volatil obtenues dans cette étude peuvent servir dans des modèles informatiques estimant le flux atmosphérique de Se. Grâce à ce travail, les auteurs contribuent en fin de compte à améliorer nos capacités de prévision de la distribution du Se à l’échelle mondiale et des régions qui risquent d’être déficientes en Se dans les sols.

Figure 3. Résumé des durées de vie dans l’atmosphère et des produits formés lors de la réaction de Se organiques volatils avec l’ozone.

Paul Heine is a PhD candidate at the University of British Columbia (UBC) under the supervision of Nadine Borduas-Dedekind (NBD). With a background in organic and inorganic synthesis, Paul has joined the NBD reserach group in 2021 to use the Vocus proton-transfer-reaction time-of-flight mass spectrometer and other analytical tools to study the oxidative fate of volatile organic selenium in the atmosphere. Outside of the lab, Paul enjoys cycling and ski touring. You can find Paul on Twitter (now X) @paul_a_heine, and to learn more about the NBD research group please visit atmoschemgroup.org

 


Bibliography

Heine, P. A.; Borduas-Dedekind, N. The Ozonolysis of Methylated Selenide Compounds in the Atmosphere: Isotopes, Kinetics, Products, and Mechanisms. Environ. Sci. Technol. 2023. https://doi.org/10.1021/acs.est.3c01586.

 

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