Le NGCC Amundsen: une réussite en océanographie arctique

– Par Charles Brunette, Alice Le Guern-Lepage, Oreste Marquis, Noémie Planat, Antoine Savard and Sandrine Trotechaud (Université McGill, Department of Atmospheric and Oceanic Sciences) –

A red and white icebreaker with a perfect reflection on the water

En tant que chercheur.euse.s en début de carrière, nous sommes toujours à l’affût d’en apprendre davantage sur le milieu scientifique dans lequel nous évoluons. Nous sommes six étudiant.e.s à la maîtrise et au doctorat du groupe des glaces de mer de l’Université McGill, et nos recherches portent sur l’océan Arctique. Nous étions naturellement intéressé.e.s par l’atelier d’information organisé par Amundsen Science le 23 mars, curieux.ses d’en connaître plus sur les futures expéditions et les possibilités de recherche à bord du navire de la Garde côtière canadienne (NGCC) Amundsen. Nous souhaitions également approfondir nos connaissances sur l’histoire, l’appareil de recherche et la logistique des expéditions de ce navire renommé. Organisé dans le contexte plus large de la réunion de planification scientifique de l’Amundsen, l’atelier d’information visait à établir un contact avec le public et avec différents groupes d’utilisateurs potentiels (comme nous !), et à sensibiliser le public à l’importance du NGCC Amundsen pour la recherche dans l’Arctique canadien. Dans les lignes qui suivent, nous résumons le contenu de l’atelier et partageons quelques points à retenir.

Histoire de l’Amundsen

Dans les années 1990, l’absence de navires canadiens dédiés à la recherche polaire a poussé les scientifiques à déployer des camps directement sur la banquise afin d’effectuer leurs études. Bien qu’il s’agissait certainement d’une expérience unique, l’entretien des camps exigeait un travail physique considérable, et le nombre d’océanographes pouvant se rendre sur la mer gelée était limité. De par leur conception, ces camps ne permettaient pas de récolter de données sur les polynies, des zones d’eau libre entourées de glace de mer, qui revêtent une importance particulière pour la recherche écologique et océanographique. Quelques navires avaient commencé à être utilisés à des fins scientifiques à cette époque, notamment pour étudier la polynie des eaux du Nord, et le succès de ces premières missions a incité les scientifiques à vouloir explorer la partie occidentale de l’Arctique.

Hand working at a lab bench with a fish specimen in a jar

C’est ici que commence l’histoire de l’Amundsen. Un groupe de 54 chercheurs de 12 universités, dirigé par l’infatigable Louis Fortier (1953-2020), soumet au CRSNG le projet d’un brise-glace canadien. En mars 2001, la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) a été autorisée à financer le projet de navire des chercheurs et, dans les cales sèches de Les Méchins (Québec), le NGCC Amundsen a émergé de la coque désaffectée du navire anciennement connu sous le nom de NGCC Sir John Franklin. En septembre 2003, le navire, maintenant équipé d’un matériel scientifique de pointe, était prêt à entreprendre son voyage inaugural d’un an, avec Martin Fortier comme scientifique en chef. Depuis ce temps, l’Amundsen a participé à plus de dix-sept expéditions importantes: le Canadian Arctic Shelf Exchange Study (CASES-2003), plusieurs Nunavik Inuit Health Survey (2004, 2007-2008 et 2017), le Circumpolar Flaw Lead (CFL), et plusieurs autres..

Dès le début, une collaboration productive s’est développée entre l’Amundsen et ArcticNet, cette dernière étant la principale utilisatrice du navire. Une autre collaboration importante a été établie avec l’industrie pétrolière et gazière. Ce partenariat avait pour objectif d’explorer la mer de Beaufort, bien que l’inquiétude du public concernant les déversements de pétrole ait soulevé des questions éthiques. Durant le partenariat avec les industries pétrolières et gazières, qui a pris fin en 2015, l’équipe de l’Amundsen a saisi l’occasion d’apprendre à balancer les intérêts de recherche de différents acteurs, en élaborant des expéditions qui répondent aux besoins du secteur académique, du secteur gouvernemental, des communautés et des partenaires industriels occasionnels. Les nombreux collaborateurs scientifiques ayant rejoint l’aventure Amundsen au cours des dernières années auront permis de diversifier les échanges à bord.

Comment c’est fait

Photo taken from a high point of the icebreaker of the bow of the boat

Depuis 2002, le brise-glace Amundsen de la flotte de la Garde côtière canadienne se consacre à la science. Au fil des ans, le partenariat étroit entre Amundsen Science et la Garde côtière canadienne a fait de ce navire une force de premier plan dans la recherche arctique canadienne. Amundsen Science est l’organisme sans but lucratif qui gère le mandat scientifique du navire. Amundsen Science est également l’une des 17 installations de recherche nationales soutenues par le Fonds des initiatives scientifiques majeures de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). La FCI contribue à 60% du financement, tandis que les 40% restants dépendent de contributions externes. Le personnel terrestre et maritime dévoué de la Garde côtière canadienne joue un rôle clé dans les coulisses des expéditions scientifiques à bord du NGCC Amundsen en gérant la logistique et en assurant l’entretien du navire. Le lien étroit avec la communauté des utilisateurs (principalement des chercheurs gouvernementaux et universitaires, mais aussi des communautés locales ou des partenaires externes) est également important pour les réalisations de l’Amundsen. En effet, l’équipe scientifique de l’Amundsen est animée par la volonté de comprendre et de répondre aux besoins de la communauté des utilisateurs par le biais de plusieurs projets tels que le programme Schools on Board (écoles à bord) consacré à la participation des jeunes, l’atelier annuel de planification des expéditions, ou encore l’enquête sur la santé des Inuits (Qanuilirpitaa) au Nunavik.

Impacts de l’Amundsen dans le monde scientifique

D’autres présentations ont abordé le rôle déterminant du NGCC Amundsen et d’Amundsen Science dans le soutien de la recherche arctique au Canada et à l’international. Au niveau national, le brise-glace de recherche favorise un leadership nordique, en servant de « première plateforme de réseautage au Canada », selon David Barber de l’Université du Manitoba, qui a poursuivi en décrivant le projet Amundsen comme un incubateur scientifique qui nous aide à comprendre l’Arctique et son fonctionnement. En tant que laboratoire mobile, le brise-glace peut relier différentes communautés et constitue un élément stratégique dans la planification des projets d’infrastructure de recherche dans l’Arctique canadien, comme le futur observatoire marin de Churchill. Le rôle central du NGCC Amundsen dans la recherche au niveau national lui vaut une place bien méritée sur notre billet de 50 $ ! L’Amundsen favorise également les partenariats internationaux, par exemple en faisant partie de l’Arctic Research Icebreaker Consortium (ARICE), aux côtés d’autres navires phares comme le R/V Polarstern. Marcel Babin (U. Laval) a donné en exemple deux collaborations internationales ayant connu du succès, à savoir le projet Malina (Canada-France-États-Unis) portant sur les exportations de carbone terrestre dans l’Arctique, et le projet Green Edge (Canada-France) portant sur l’efflorescence des écosystèmes marins au printemps. Ces projets de recherche synergiques à grande échelle ont été décrits comme étant les plus productifs sur le plan scientifique, et utilisent l’Amundsen à pleine capacité. Ces quelques exemples illustrent l’importance de maintenir de solides capacités de recherche polaire en mer pour soutenir des réseaux de recherche nationaux et internationaux productifs. L’Amundsen n’est pas seulement présent dans la communauté scientifique, mais aussi auprès du public. Grâce à des projets tels que Artist on Board et des concours médiatiques, la mission du navire est partagée à travers le monde. Ce dernier concours a permis à une quinzaine de journalistes de douze pays différents d’embarquer sur l’Amundsen pour un voyage dans l’Arctique.

Quel futur pour l’Amundsen ?

Areal photo of the icebreaker in the ocean with broken ice all around

La dernière partie de l’atelier a abordé les futurs évolutions de l’Amundsen. Le bateau a maintenant 42 ans, et sera complètement rééquipé et rénové en prévision des 10 prochaines années. Cette réparation a commencé en mai 2020 et finira en juillet 2022, avec une interruption pour l’été 2021. À cette occasion, le bateau sera équipé avec de nouveaux instruments qui servirons à l’exploration scientifique ou à la mission de garde-côtes du navire. Au delà de ces 10 années supplémentaires, il faudra sûrement considérer changer entièrement le brise-glace, et plusieurs options sont actuellement envisagées. Construire un nouveau navire entièrement dédié à la science est un projet ambitieux, avec des perspectives scientifiques très intéressantes, mais reste complexe à implémenter du point de vue des décisions politiques et économiques; des discussions sont en cours avec le Gouvernement du Canada.

Enfin, le programme scientifique des prochaines années a été brièvement discuté. Le financement actuel à travers le CFI se termine l’an prochain, et l’équipe d’Amundsen science appliquera à nouveau afin de bénéficier de ce financement pour la période 2023-2029. Dans cette optique, c’est le bon moment pour discuter et planifier de nouvelles idées et de nouveaux projets, nous rappelle Alexandre Forest (directeur exécutif d’Amundsen sicence). Les prochaines années permettront d’étudier l’écosystème fragile de l’océan profond avec un nouveau véhicule sous-marin téléguidé, une analyse du permafrost sur le plateau continental de Beaufort, le programme Dark Edge et l’école d’été Sentinelle Nord qui devraient avoir lieu à l’été 2022. Un hivernage dans la Baie de Baffin est aussi en discussion, ainsi que des échanges de temps de navire avec la Flotte océanographique française (programme appelé Oceanographic Fleet Exchange).

La réussite de l’Amundsen

Allant au-delà de sa mission scientifique fondamentale, avec des programmes d’éducation et de participation des jeunes tels que des écoles flottantes, des visites aux communautés inuites et des opportunités pour les étudiants diplômés, le succès du NGCC Amundsen au cours des vingt dernières années est indéniable. Il cumule plus de 2 200 jours de recherche en mer, 250 000 miles nautiques (11,5 fois le tour de la Terre), 116 équipes dans 20 programmes majeurs, 98 organisations internationales et 26 universités canadiennes. Il a définitivement joué et continue de jouer un rôle majeur dans la formation d’une nouvelle génération de scientifiques de l’Arctique.

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